Fiche

Out of Time

today08/10/2025 25

Arrière-plan
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Il y a des concepts qui, sur le papier, paraissent fous. Out of Time, le nouveau roguelike coopératif signé Manticore Games, fait partie de ceux-là. Mélanger la frénésie d’un Risk of Rain 2, les mécaniques punitives du roguelike classique et une esthétique éclatée où passé, présent et futur se télescopent, voilà un pari osé. Le tout en ajoutant une dose de coopération forcée où s’éloigner de ses coéquipiers revient presque à signer son arrêt de mort. Ambitieux, audacieux, parfois bancal, Out of Time tente de redéfinir les codes du genre à travers une proposition aussi originale que risquée. L’histoire n’est ici qu’un prétexte, mais un prétexte habile : un cataclysme a brisé la ligne du temps, fusionnant plusieurs époques en un chaos permanent. D’un champ médiéval envahi de drones militaires à une métropole futuriste traversée par des chevaliers squelettiques, tout est permis. Vous incarnez un des agents envoyés dans ce foutoir temporel, chargé de rétablir l’équilibre en affrontant des vagues d’ennemis toujours plus redoutables. Classique ? Pas vraiment, car Out of Time est avant tout un jeu de rythme, de synergie et de survie collective.

Un roguelike qui mise tout sur la cohésion

Le cœur du gameplay d’Out of Time repose sur une idée simple mais brillante : le système de « tether ». Chaque joueur est relié aux autres par un fil énergétique invisible. Tant que le groupe reste soudé, tout va bien : on partage les buffs, on soigne plus vite, on maximise la puissance des attaques. Mais dès que l’un s’éloigne trop, le lien se rompt et la sanction tombe. Les ennemis deviennent plus agressifs, la survie se complique, et la tension grimpe d’un cran. Ce concept pousse la coopération à son paroxysme : on ne joue pas à côté de ses partenaires, on joue avec eux. Le résultat est immédiat : chaque run devient une danse collective. Les plus téméraires apprendront vite qu’il ne suffit pas d’avoir le meilleur build ou la meilleure arme. Il faut rester à portée, se couvrir mutuellement, choisir ses angles d’attaque et ses priorités. Dans un genre où l’individualisme règne souvent, Out of Time impose une logique de meute qui fait toute sa singularité. Les classes traditionnelles laissent place à un système d’équipement modulaire. Pas de mage, pas de tank, pas d’assassin prédéfini : vous êtes ce que vous portez. L’arme principale, l’armure et les accessoires définissent votre rôle et vos capacités. Une épée lourde combinée à un module de régénération vous transforme en machine de guerre durable ; un fusil énergétique couplé à un module de téléportation, en soutien mobile. Cette liberté donne lieu à une infinité de combinaisons et encourage l’expérimentation. La boucle de gameplay reste fidèle à la tradition roguelite : on enchaîne les runs, on accumule des ressources, on débloque de nouveaux équipements persistants. Chaque session est une course contre le temps, littéralement. Un compteur invisible symbolise la dégradation temporelle : plus on tarde, plus la réalité se fissure, et plus les vagues d’ennemis deviennent folles. Le stress est constant, rappelant parfois la pression d’un Hades dans ses moments les plus intenses.

Une construction roguelite nerveuse et bien pensée

L’une des forces du jeu réside dans la variété de ses époques, ou plutôt de ses « zones temporelles ». Trois grands environnements s’enchaînent aléatoirement : un passé médiéval corrompu, un présent en ruine et un futur dystopique. Chacun propose ses propres ennemis, son esthétique et ses mécaniques : archers spectraux dans l’ancien monde, soldats cybernétiques dans le présent, drones mutants dans le futur. Ce choix thématique ne se limite pas à la cosmétique. Certaines armes ou compétences réagissent différemment selon l’époque visitée. Une lame runique sera surpuissante dans le Moyen Âge, mais presque inutile contre les circuits du futur. À l’inverse, une arme plasma peut se dérégler dans les zones anciennes, obligeant le joueur à improviser. C’est dans cette imprévisibilité que le jeu trouve son rythme et son intérêt. Chaque run est donc une expérience unique. Le hasard, omniprésent mais rarement injuste, maintient l’équilibre entre tension et plaisir. Les ennemis ne se contentent pas d’encercler : ils forcent à bouger, à gérer l’espace, à exploiter les synergies de groupe. Out of Time évite ainsi le piège du brawler répétitif pour offrir un roguelite nerveux, lisible et punitif à la fois.

Le choc des époques

Visuellement, Out of Time ne cherche pas la révolution, mais il dégage une vraie personnalité. La direction artistique repose sur une fusion volontairement chaotique : armures médiévales et circuits néon, temples en ruine et hologrammes instables, tout cohabite dans un patchwork temporel cohérent. Le résultat n’est pas toujours élégant, mais il fonctionne : on croit à ce monde fracturé, à ce désordre esthétique qui épouse parfaitement le thème. Les effets de lumière et de distorsion temporelle sont particulièrement réussis. Lorsqu’une faille s’ouvre ou qu’un boss manipule la chronologie, l’écran se déforme subtilement, les couleurs se désalignent, le monde semble vibrer. C’est un jeu qui fait bon usage des artifices visuels sans sombrer dans la surcharge. Techniquement, le moteur tient la route, même si quelques ralentissements peuvent survenir lors des affrontements les plus denses. Les animations manquent parfois de fluidité, surtout dans les transitions entre attaques et esquives, mais rien de rédhibitoire. Le netcode, élément crucial pour un titre coopératif, s’en sort honorablement : les déconnexions sont rares et la latence globalement stable. En revanche, le matchmaking reste perfectible, notamment pour les parties publiques où l’attente peut être un peu longue.

Entre tension et mélancolie

Côté audio, Out of Time propose une ambiance soignée, presque cinématographique. Les musiques oscillent entre synthés futuristes et percussions tribales, accompagnant parfaitement la thématique temporelle. Chaque époque possède sa couleur sonore : des chœurs éthérés pour le passé, des nappes électroniques pour le futur, un mélange expérimental pour les zones hybrides. Le sound design, quant à lui, est d’une précision redoutable. Chaque arme possède sa signature : le sifflement d’un sabre quantique, le crépitement d’un fusil Tesla, le martèlement d’un marteau gravitationnel. Les bruits d’impact sont satisfaisants, les explosions bien dosées, et les effets temporels distorsions, échos inversés, ralentissements ajoutent une couche d’identité sonore très réussie. Seul regret : les voix, rares et souvent robotiques, manquent un peu de chaleur. On sent que l’histoire n’est pas la priorité, et le doublage, minimaliste, s’en ressent. Mais l’ambiance musicale compense largement cette austérité narrative.

Une progression persistante qui motive la relance

Le cœur du roguelite, c’est la rejouabilité. Sur ce point, Out of Time ne déçoit pas. Chaque défaite rapporte des ressources qu’on investit dans de nouveaux équipements, des modules passifs ou des améliorations globales. La sensation de montée en puissance entre les runs est bien calibrée : on avance lentement, mais sûrement. Le jeu évite le syndrome du “grind stérile” grâce à une économie équilibrée et des récompenses claires. Le hub central, baptisé Infinitopia, sert de base entre deux runs. On y retrouve les marchands, les terminaux de recherche, quelques PNJ cryptiques et des portails d’accès vers les zones temporelles. C’est aussi un espace social où les joueurs peuvent se retrouver, échanger ou comparer leurs builds. Une idée sympathique, qui confère à Out of Time une touche communautaire rappelant les lobbies de jeux en ligne des années 2000, mais avec un polish moderne. Les défis hebdomadaires, les classements et les événements spéciaux maintiennent une certaine fraîcheur. Le studio a annoncé un suivi post-lancement ambitieux, avec l’ajout d’époques supplémentaires, d’armes inédites et, à terme, d’un mode PvP expérimental. Si ces promesses se concrétisent, la durée de vie pourrait s’avérer colossale.

Difficulté, rythme et apprentissage

Out of Time est exigeant. Pas injuste, mais exigeant. Le jeu ne prend pas les nouveaux venus par la main, et les premières heures peuvent sembler rudes. La gestion simultanée des ennemis, du temps, du lien collectif et de l’équipement demande une vraie rigueur. On sent que le jeu s’adresse avant tout à un public déjà rompu au genre roguelike, pas aux curieux occasionnels. Cependant, une fois la logique assimilée, la courbe de progression est gratifiante. Chaque victoire, chaque run complété procure un sentiment de maîtrise rare. La coopération renforce d’ailleurs cette satisfaction : battre un boss en équipe, sans rompre le lien, après dix minutes de chaos total, c’est une expérience presque euphorique. La seule ombre au tableau vient de l’équilibrage. Certaines armes ou combinaisons d’équipements dominent clairement le métajeu, tandis que d’autres paraissent sous-exploitées. Un ajustement régulier serait bienvenu pour éviter que les joueurs se concentrent tous sur les mêmes builds optimisés.

Une proposition rare dans le paysage actuel

À une époque où le roguelite est partout  des indés pixelisés aux AAA survitaminés , Out of Time parvient à se démarquer. Sa mécanique de tether en fait une expérience collective singulière, presque organique. On ne joue plus pour soi, mais pour le groupe. Le moindre éloignement se paye, le moindre geste compte. C’est à la fois frustrant et fascinant. Ce système, couplé à un univers en constante mutation, donne naissance à des moments de pure panique : quand le chrono s’emballe, que les ennemis débordent de partout et que votre coéquipier reste à deux mètres trop loin, le jeu atteint une intensité rare. On peste, on rit, on crie  bref, on vit quelque chose. Et c’est probablement ce que cherche Out of Time : créer des souvenirs de coopération, pas seulement des scores.

Conclusion

Out of Time n’est pas un jeu parfait. Il trébuche parfois sur sa propre ambition : un certain manque de lisibilité dans l’action, une difficulté qui frôle parfois l’excès, un équilibrage encore jeune. Mais derrière ces aspérités se cache un vrai concept fort, servi par une direction artistique inspirée et un gameplay coopératif intelligent. C’est un roguelite qui refuse la facilité, qui exige de ses joueurs une attention et une rigueur constantes. Ceux qui y verront un simple jeu de vagues passeront à côté. Ceux qui accepteront d’en apprendre la grammaire, de se plier à ses règles collectives, y trouveront une expérience d’une intensité rare. À une époque où beaucoup de jeux se contentent de recycler les formules à succès, Out of Time ose un vrai parti pris. Et même si tout n’est pas parfaitement en place, il mérite qu’on s’y attarde. Parce qu’il y a, derrière son chaos temporel, une vision claire : celle d’un roguelike coopératif qui remet l’humain ou plutôt, le collectif au centre de l’action.

Écrit par: Warmelin

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