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Ninja Gaiden 4

today21/10/2025 67 5

Arrière-plan
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Douze ans. Douze longues années que les fans de Ryu Hayabusa attendaient le retour du plus célèbre ninja du jeu vidéo. Depuis Ninja Gaiden 3: Razor’s Edge, la série avait sombré dans le silence, coincée entre les errements d’un Yaiba raté et les priorités changeantes de Team Ninja, tourné vers Nioh et Wo Long. Autant dire que Ninja Gaiden 4, annoncé comme un retour aux sources brutal et exigeant, portait un héritage aussi lourd qu’un katana trempé dans le sang. Et s’il réussit globalement à réveiller la flamme du ninja, il ne le fait pas sans quelques entailles dans la chair.

Un retour sobre, presque humble

Dès son écran titre, Ninja Gaiden 4 annonce la couleur : fini les excès hollywoodiens et les envolées nanardesques du troisième épisode. Ryu Hayabusa revient à ses fondamentaux. Le scénario, toujours aussi secondaire, abandonne les velléités d’apocalypse globale pour se recentrer sur une intrigue plus intime. Un clan mystérieux s’en prend à la lignée Hayabusa, et Ryu doit remonter la piste à travers le Japon contemporain et quelques zones plus exotiques. L’écriture reste minimaliste, mais la mise en scène gagne en cohérence. On retrouve cette sobriété japonaise, cette tension contenue qui sied si bien au personnage. Team Ninja ne cherche pas à en faire trop. Le jeu se déroule en une dizaine de chapitres, sans fioritures, entre villages abandonnés, temples en ruine et laboratoires modernes. Ce retour à une structure plus linéaire presque old-school fait du bien. L’équipe semble avoir compris qu’un Ninja Gaiden n’a jamais eu besoin de mécaniques open world ou d’arbre de compétences à rallonge pour exister : il suffit d’une épée, d’une bonne caméra et d’un rythme maîtrisé. Et de ce point de vue, Ninja Gaiden 4 se montre étonnamment respectueux de son héritage.

Un gameplay taillé dans l’acier

On ne joue pas à Ninja Gaiden pour la narration, mais pour cette sensation de trancher le monde à la vitesse d’une pensée. Et sur ce terrain, Ninja Gaiden 4 retrouve ce feeling chirurgical qui avait fait la gloire du second opus. Chaque coup porté avec le Dragon Sword ou les emblématiques Tonfas vibre avec un poids, une réactivité et une violence rares dans le beat them all moderne. La Team Ninja a revu toute la physique des impacts, inspirée de Nioh, mais avec la nervosité d’antan. Les esquives demandent une précision millimétrée, les parades parfaites récompensent les réflexes, et les enchaînements sont d’une brutalité presque sensorielle. Le jeu réussit là où beaucoup échouent : faire sentir la différence entre le joueur moyen et le vrai ninja. La marge de progression est immense. En mode Normal, le jeu se montre déjà punitif, mais les niveaux de difficulté supérieurs rappellent la cruauté d’un certain Black ou d’un Sigma 2. La bonne nouvelle, c’est que cette exigence n’est jamais gratuite. Chaque mort apprend quelque chose, chaque combat devient un duel d’endurance et de maîtrise. Les ennemis sont féroces, variés, parfois injustes, mais toujours lisibles. Même les boss, véritables tests d’attention, oscillent entre chorégraphies sanglantes et casse-têtes mécaniques. On retrouve ce mélange d’élégance et de sadisme typique de la série, à mille lieues de la mollesse d’un hack’n slash générique.

Une philosophie de la rigueur

Là où Ninja Gaiden 4 surprend, c’est dans sa capacité à intégrer des leçons venues de la génération moderne sans trahir son identité. Oui, le système de posture emprunte un peu à Sekiro. Oui, la gestion du Ki rappelle Nioh. Mais tout cela est digéré, intégré dans un ADN qui reste résolument arcade. Ici, pas de builds, pas de loot, pas d’optimisation d’armures : uniquement le joueur, ses réflexes et son sabre. C’est presque un manifeste. À l’heure où le jeu d’action se dilue dans des mécaniques de RPG et des systèmes d’assistance, Ninja Gaiden 4 choisit la pureté. Certains crieront à l’austérité, d’autres applaudiront cette fidélité. L’équilibre entre accessibilité et exigence est fragile, mais globalement maîtrisé. Les premiers niveaux peuvent paraître trop arides, mais une fois le gameplay assimilé, la sensation de puissance est grisante. On regrettera seulement une certaine rigidité dans la lecture des collisions, un manque de souplesse dans certaines transitions d’animations, et une caméra parfois capricieuse dans les espaces étroits un vieux démon de la série que Team Ninja n’a pas totalement exorcisé.

Une direction artistique sous contrôle

Techniquement, Ninja Gaiden 4 ne cherche pas à rivaliser avec les superproductions occidentales. Sur PS5 et Xbox Series X, le moteur maison affiche une belle propreté, mais sans folie. Les textures manquent parfois de relief, et certains environnements trahissent une conception un peu datée. En revanche, la fluidité reste exemplaire : 60 images par seconde constantes, priorité absolue donnée au gameplay. La direction artistique, elle, tire son épingle du jeu. Les décors japonais sont sublimes de sobriété, baignés dans des lumières crépusculaires qui rappellent parfois les estampes anciennes. Les combats nocturnes, entre pluie et néons, atteignent même un certain lyrisme. Les effets de sang et de particules sont impressionnants sans verser dans la surenchère gore : le tout respire le contrôle et la précision. La bande-son, signée par un duo d’anciens compositeurs de Nioh, mélange percussions tribales et nappes électroniques. Discrète mais efficace, elle accompagne les affrontements avec une intensité contenue. Mention spéciale au thème principal de Ryu, revisité dans une version lente et mélancolique, symbole d’un héros fatigué mais toujours debout.

Un contenu calibré, presque trop sage

Sur le plan du contenu, Ninja Gaiden 4 n’abuse pas. Comptez une douzaine d’heures pour la campagne principale, et quelques défis additionnels dans un mode “Trials” redoutable. Les fans apprécieront le retour du mode “Master Ninja”, ainsi qu’un “Boss Rush” pensé pour les puristes. Mais le jeu reste avare en extras : pas de multijoueur, pas de mode coopératif, pas de personnalisation poussée. Team Ninja semble avoir fait le choix du recentrage. C’est un retour aux fondamentaux, mais certains joueurs y verront une forme de frilosité. Là où un Nioh multipliait les systèmes et les missions, Ninja Gaiden 4 se contente du minimum syndical. On aurait aimé un peu plus d’audace dans la structure, un vrai New Game+, voire quelques modes expérimentaux. Le jeu assume d’être un “action pur”, mais au risque d’en devenir presque monacal.

Un héritage respecté, une évolution timide

Ninja Gaiden 4 est avant tout un geste. Celui d’un studio qui regarde son passé en face, qui accepte d’être à contre-courant. Dans une industrie obsédée par le confort et la gratification instantanée, Team Ninja livre une œuvre d’artisan, brute, imparfaite, mais sincère. Ce n’est pas une révolution. Ce n’est même pas, objectivement, un chef-d’œuvre. Mais c’est un retour juste, pensé, taillé dans la douleur et la précision. Ryu Hayabusa redevient ce qu’il a toujours été : un mur, un test, un miroir du joueur. Chaque victoire a le goût du mérite, chaque défaite celui de l’humilité. Et c’est précisément ce que la série avait perdu depuis longtemps.

Conclusion

Ninja Gaiden 4 ne plaira pas à tout le monde. Son exigence pourra rebuter, sa sobriété frustrer, sa technique sembler datée. Mais pour ceux qui savent ce que signifie le mot “discipline”, il offre une expérience rare : celle d’un combat pur entre la chair, l’esprit et la machine. Team Ninja n’a pas seulement ressuscité Ryu Hayabusa : elle a rappelé au monde que le vrai jeu d’action n’est pas mort. Il médite, quelque part, dans l’ombre.

Écrit par: Warmelin

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